Les 4 types d'innovations pour propulser votre entreprise
De nos jours, le terme innovation est rendu sur toutes les lèvres et sa compréhension est souvent liée aux efforts créatifs pour développer de nouveaux produits ou services. Mais en réalité, l’innovation englobe des définitions beaucoup plus subtiles. En effet, il existe plusieurs types d’innovations et le choix de l’innovation ou la combinaison des innovations qu’une entreprise entreprend peut la propulser ou au contraire la ruiner. Comme nous l’avons bien élaboré dans le précédent article, une entreprise très innovante possède 3 piliers importants qui lui permettent de bien réussir, à savoir une structure de soutien, de bonnes pratiques et des processus adéquats. Cela n’est malheureusement pas le cas de la majorité des entreprises et le choix du type d’innovation à adopter devient très important. En effet, c’est le stade de maturité d’une entreprise qui dictera généralement la feuille de route menant vers la construction de son portfolio d’innovations. Dans un prochain article, nous aborderons les défis posés dans la construction d’un portfolio équilibré d’innovations.
En entreprise, on parle généralement de 4 types d’innovations. Deux types sont en relation avec le développement technologique et dans ce cas, on se réfère aux innovations incrémentales et radicales. Les deux autres types d’innovations s’adressent au développement de marchés et dans ce cas, on mentionne les innovations adjacentes et disruptives (ou de rupture). Dans cet article, nous nous limitons aux définitions et explications avec des exemples concrets des 4 types d’innovations.
Définitions des 4 types d’innovations:
- L’innovation incrémentale
L’innovation incrémentale consiste principalement à améliorer de façon régulière les produits existants généralement issus de la même plateforme technologique et d’optimiser leur production. L’innovation incrémentale est très populaire auprès des entreprises bien établies car elle leur permet, à moindre risque d’affaires, de continuer à bien servir leurs marchés traditionnels et demeurer compétitives. Dans cette optique, la métamorphose subie par le produit ou le service conduit à une succession de versions 1, 2, 2.1, 2.2, et ainsi de suite. Beaucoup d’entreprises qui embrassent ce type d’innovation en adaptant leur modèle d’affaires à cette stratégie réussissent à prospérer.
Souvenez-vous que Gmail, quand il a été lancé sous sa version Beta, avait des fonctionnalités très limitées à l’exception des courriels, qu’il faisait très bien. Contrairement à ses concurrents directs, Google avait une feuille de route d’innovations incrémentales pour perfectionner le produit Gmail, ce qui l’a conduit jusqu’au succès d’aujourd’hui. Google a utilisé la même stratégie pour l’ensemble de ses nouveaux services : Google map, Chrome, etc.
Toutefois, compter sur l’innovation incrémentale seule n’est pas garant d’une prospérité durable! Beaucoup d’entreprises, jadis prospères, déprissent et finissent par disparaître à cause de concurrents ayant adopté des innovations radicales ou de rupture! Sears Canada, pourtant précurseur de la vente par catalogue, n’a pas su innover à temps pour s’adapter à la vente en ligne. Sears s’est placé récemment sous la protection des tribunaux.
3 éléments importants à retenir par rapport à l’innovation incrémentale:
- Elle représente un faible risque d’affaires pour les entreprises qui l’adoptent,
- Elle est pertinente pour le consommateur, car ce dernier continue de bénéficier de produits plus fiables, plus performants, etc.,
- Elle permet une gestion efficace des réductions des coûts de production peu importe le secteur industriel et, par conséquent, l’innovation incrémentale devient le moteur de compétitivité d’une entreprise.
Les entreprises bien établies qui gèrent bien leur portfolio d’innovation adaptent leurs produits existants pour un usage dans un marché adjacent.
- L’innovation adjacente
L’innovation adjacente consiste à exporter vers un nouveau marché, mais familier, un produit existant non transformé ou ayant subi une innovation de type incrémentale. Beaucoup d’entreprises bien établies utilisent cette stratégie pour diversifier leur offre et gagner de nouveaux marchés. À titre d’exemple, pensez à tous les produits ayant différents grades de qualité. Par exemple. un manufacturier qui fabrique des fours de cuisson pour usage domestic, commercial ou industriel. L’innovation adjacente est un outil bien adapté pour segmenter les marchés et permet une planification de croissance de revenus diversifiés tout en minimisant les investissements dans le développement de nouveaux produits.
La combinaison des innovations incrémentales et adjacentes permet à moindre risque d’affaires de maintenir une offre en phase avec les attentes des clients existants en plus de générer une croissance diversifiée.
- L’innovation radicale (Breakthrough)
L’innovation radicale consiste à inventer de nouvelles catégories de produits ou de services qui sont à la fois nouveaux pour le marché et pour l’entreprise, ce qui représente un haut risque d’affaires. Les entreprises qui s’aventurent dans cette voie sont surtout des startups et celles qui réussissent bien deviennent rapidement des leaders.
Les exemples d’entreprises qui ont réussi par la stratégie de l’innovation radicale sont nombreuses. Parmi les plus populaires, il existe celles issues de la scène des technologies numériques telle que Facebook, Microsoft, Google, etc. D’autres entreprises ont poussé le concept d’innovation radicale à l’extrême. Le magnat britannique, Richard Branson, a créé un modèle d’affaires basé sur le principe de diversification radicale. Son entreprise, Virgin, contrôle une constellation de plus de 400 entreprises qui ont toutes le défi d’innover de façon radicale au niveau de leurs offres tout en poursuivant l’innovation incrémentale au niveau de la mise en marché de leurs produits et services. Une stratégie d’innovation hybride qui réussit plutôt bien pour Virgin.
Les entreprises technologiques ne sont pas les seules détentrices des innovations radicales. On sait tous comment Guy Laliberté et sa clique de 20 saltimbanques au début des années 80 ont révolutionné l’industrie du cirque par leur startup, le Cirque du Soleil. La startup Québécoise a démarré à une époque de déclin de l’industrie du cirque traditionnel et malgré cette mauvaise conjoncture, le Cirque du Soleil a complètement révolutionné son industrie en offrant des spectacles axés sur les performances de danse, de musique et des acrobaties de ses artistes. Ce nouveau concept de cirque a permis de créer un nouveau marché très lucratif pour le Cirque du Soleil qui est devenu une multinationale ayant atteint des niveaux inimaginables de rentabilité.
L’innovation radicale qui a propulsé le Cirque du Soleil a été expliquée par W. Chan Kim et Renée Mauborgne dans leur ouvrage intitulé Blue Ocean strategy (Océan Bleu). Plutôt que de rivaliser à l’intérieur des limites de l’industrie traditionnelle du cirque ou d’essayer de s’emparer de clients à des rivaux, le cirque du Soleil a plutôt mis au point un espace de marché incontesté qui a rendu la concurrence traditionnelle désuète. Ainsi, le Cirque du Soleil s’est retrouvé seul sur un marché captif et prêt à reconnaître la valeur de sa prestation. Par opposition à la stratégie Blue Ocean, les auteurs proposent la notion de Red Ocean (Océan Rouge). Toutes les industries qui ne créent pas de nouveaux marchés comme dans l’exemple du Cirque du Soleil restent dans des « Océans Rouges » et au fur et à mesure que l’espace devient encombré, les perspectives de profits et de croissance diminuent, les produits deviennent de simples produits de base (commodities) et devant la concurrence de plus en plus sanglante, la couleur de l’eau change et devient rouge! Comme on dit, une image vaut mille mots.
Il existe deux façons de créer des océans bleus. L’une consiste à lancer des industries complètement nouvelles, comme eBay l’a fait avec les enchères en ligne. Mais il est beaucoup plus fréquent qu’un océan bleu soit créé à partir d’un océan rouge lorsqu’une entreprise déborde des limites d’une industrie existante. En théorie, la stratégie Blue Ocean parait géniale! Toutefois, ses auteurs reconnaissent qu’après une vaste étude réalisée auprès de 150 cas dans 30 différentes industries, ils n’arrivent pas à bien conceptualiser de façon claire leur théorie, car les entreprises sondées sont à court d’arguments solides quand au comment et pourquoi elles ont réussi à créer leurs océans bleus!
Il est clair que la combinaison d’une nouvelle technologie et d’un nouveau marché représente un risque d’affaires non négligeable. Faut-il pour autant que les entreprises bien établies mettent à l’écart les innovations radicales? Cette question demeure d’actualité car la majorité des entreprises réussissent quand même à tirer leur épingle du jeu avec les innovations incrémentales et adjacentes. Toutefois, voici une bonne réflexion: le New York Times est l’un des journaux les plus prestigieux du monde entier. Leur objectif est de prendre des informations, les structurer et les transmettre au consommateur. Alors, pourquoi n’ont-ils pas osé innover radicalement pour créé Google? Après tout, la mission des deux entreprises est presque identique.
- L’innovation disruptive (ou de rupture)
La notion d’innovation disruptive appelée aussi innovation de rupture, à ne pas confondre avec l’innovation radicale, a été introduite par Joseph L. Brower et Clayton M. Christensen en 1995 dans leur article Catching the Wave publié dans Harvard Business Review. Le sujet a été repris par Christensen dans son livre intitulé The innovator’s dilemma. Christensen explique pourquoi des entreprises, pourtant leaders de leur marchés, s’écroulent lorsqu’elles font face à certains changements technologiques portés par de nouveaux joueurs.
L’auteur oppose les concepts « sustaining technologies vs disruptive technologies » que je traduis par technologies de soutien vs technologies disruptives (ou de rupture). Les technologies de soutien se nourrissent d’innovations incrémentales et/ou radicales et par conséquent, les clients qui en bénéficient demeurent tout le temps à jour. La majorité des entreprises suivent cette façon de faire afin de fidéliser leurs clients et bénéficier des marges élevées de produits à la fine pointe de la technologie (high end products)
Des fois, il arrive que des innovations appelées innovations disruptives (ou de rupture) produisent des produits de piètres performances mais qui se différencient par certaines spécifications techniques telles que le poids, les dimensions et la simplicité d’utilisation. Ironiquement, certains clients préfèrent ces produits à ceux issus de technologies de soutien. Les « nouveaux fournisseurs» de ces produits « bas de gamme » ouvrent de nouveaux marchés avec une offre de produits à bas prix. Ces nouveaux produits poursuivent à leur tour le processus de maturation et après un certain temps réussissent à bénéficier d’innovations de soutien qui les rend très performants au fil du temps.
Comme la solution disruptive doit être bon marché en plus de ne pas avoir de clients existants au départ, les entreprises bien établies n’osent pas s’aventurer dans ce type d’innovation, surtout celles qui vendent des produits très profitables. C’est ainsi que certaines entreprises anciennement leaders de leur marché disparaissent au profit de nouveaux joueurs ayant des technologies disruptives.
IKEA est un exemple d’innovation disruptive. En créant le concept de KIT facile à transporter, simple à assembler chez-soi, et en proposant des matériaux bon marché, IKEA est parvenu ainsi à réduire les coûts d’assemblage en usine ainsi que les coûts des distributeurs puisque IKEA vend directement au consommateur final. Dell en est un autre exemple pour la vente d’ordinateurs en ligne.